À Robert Brussel – 28 Avril 1924

De Louis Fleury, Professionnelle, Brussel | 0 commentaires

[Tampon réception 29 Avril 1924]

Paris, 13 rue Mignard XVI

 

Cher Ami, [Robert Brussel]

Voulez-vous me permettre de vous confirmer par écrit les conversations que j’ai eu avec Mme Mendl au sujet du Festival de Salzbourg en août 1924 ?

J’ai été préssenti officieusement par le comité général de la S. T. M. C. de Londres pour une intervention à Paris rendant possible la participation de la section française au Festival. Ces messieurs ont vivement insisté sur ce point qu’ils considéraient comme très désirable que les Français donnassent à Salzbourg un concert indépendant avec un programme de leur choix. Ils espéraient que les artistes français prenant part à ce concert prêteraient leur concours pour l’exécution des oeuvres officiellement inscrites au programme du Festival. 

Je leur ai conseillé de s’adresser directement à la Société d’Expansion Artistique et j’apprend que mon conseil a été suivi. Pour des raisons plus hautes que celles qui me concernent personnellement, j’espère de tout coeur que vous pourrez cette fois  encore rendre à la musique française le service immense de rendre la participation de la France effective. 

J’avoue volontiers que je serais extrêmement heureux si vous pouviez encore permettre à la Société Moderne d’Instruments à vent de prendre part au Festival. 

Les oeuvres françaises inscrites au programme requièrent la présence de quelques instruments à vent : Socrate de Satie comporte un petit orchestre de chambre ; la Sonate de Poulenc est écrite pour clarinette et basson. Je ne parle que pour mémoire de l’Octuor de Stravinsky, présenté toutefois par la section française. 

Nous pourrions par la même occasion rendre au compositeur hollandais Pijper [1] le service de mettre à son service les instrumentistes dont nous disposerions. J’ai été assez heureux pour pouvoir faire cela l’année dernière en faveur de leur compatriote Sem Dresden, et je crois pouvoir dire que ceci a eu la plus heureuse portée en Hollande. Mais il ne faut pas perdre de vue que si, grâce à vous, les interprètes français se rendaient à  Salzbourg, le principal de leur action serait leur participation au concert indépendant organisé par nos soins. 

J’ai suggéré la mise au programme des « 2 mouvements » de Jacques Ibert, pour 2 flûtes, clarinette et basson, oeuvre remarquable d’un Prix de Rome, qui, pour des raisons restées obscures, n’a pas été choisie par le comité de Zurich (pas plus d’ailleurs que les chefs-d’oeuvres de Fauré). Il serait utile de démontrer aux auditeurs du Festival que, ni le génie ni le Prix de Rome ne rendent des musiciens français indignes d’être inscrits à un Festival de musique contemporaine. Cette oeuvre d’Ibert a obtenu partout où nous l’avons jouée un succès indivisible. Je suis sûr qu’il en serait de même à Salzbourg. 

Et puisque la présence d’une cantatrice serait nécessaire nous pourrions inscrire au même programme soit les mélodies pour chant flûte clarinette et basson [2] de Roland Manuel [3]  ; soit les deux mélodies – nouvelles – pour voix et flûte seule de Roussel. Bref, je suis certain que les instruments à vent auraient de multiples occasions de se faire applaudir à Salzbourg, et je n’ai pas besoin de vous dire que nous serions heureux et enchantés si vous nous faisiez l’honneur de nous y envoyer. 

Veuillez agréer, cher Ami, l’expression de mes sentiments les plus dévoués. 

Louis Fleury

 28 avril 1924

 

[1] Willem Pijper (1894-1947) compositeur, pianiste et critique musical.

[2] Pas de trace de ces mélodies dans les archives.

[3] (1891-1966) compositeur.

 

Source : Bibliothèque Nationale de France http://ark.bnf.fr/ark:/12148/cb398079098

 

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