Revues – Le Monde Musical

La Musique Anglaise

On a coutume, sur le Continent, car cette façon de penser n’est pas spéciale à la France, de traiter la musique anglaise et les musiciens anglais avec quelque dédain. Les virtuoses qui désirent aller gagner de gros cachets outre-Manche mis à part, on considère généralement que la Grande-Bretagne est une contrée impropre à produire de la musique, et qu’il y a pour l’art musical sérieux ni producteur, ni public. Pour le Français moyen l’Anglais est nécessairement un être sans idéal et sans culture, dont la vie se partage également entre le négoce et le sport. Donc il ne peut être musicien. Si nous demandions aux personnes qui professent ces intransigeantes théories sur quoi elles fondent leur opinion elles seraient peut-être bien embarrassées de nous le dire…

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Souvenirs d’un Flûtiste – 1. Les Dernières Années d’Ambroise Thomas

J’ai été élevé dans l’admiration d’Ambroise Thomas, et je lui dois, par surcroît, une des fortes émotions de mon enfance. Ma mère fut, en effet, une des cent mille personnes qui échappèrent, par miracle, à l’horrible catastrophe de l’Opéra-Comique. J’étais alors un tout petit garçon Nous habitions la province, à quelques cinquante kilomètres de Paris. Un matin de 1887, ma mère, ouvrant son journal, poussa un cri d’horreur : l’Opéra-Comique avait été, la nuit précédente, détruit par un incendie. Les victimes se chiffraient par centaines…

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Souvenirs d’un Flûtiste – 2. Le Bâtiment – L’Administration

Certaines âmes sentimentales ont versé un pleur discret le jour où le coup de pioche des démolisseurs entama certaine vieille baraque qui ne demandait qu’à tomber toute seule. J’avoue que ce sacrifice m’avait laissé froid. Mais j’ai pleuré pour de bon le jour où commença de sortir de terre l’affreux temple germano-assyro-téléphonique qui l’a remplacée et qui déshonore à jamais le IX° arrondissement. Et dire que cette effarante bâtisse se trouvait juste dans la ligne de tir de la Grosse Bertha ! ILS l’ont respectée les misérables ; C’eût été cependant une bonne occasion, pour feu Joachim Gasquet, de justifier aux yeux des honnêtes gens le titre de son bouquin sur les Bienfaits de la guerre…

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Souvenirs d’un Flûtiste – 3. Théodore Dubois – Dans les Hautes Sphères

Je connais assez peu Edouard Risler. Je l’ai applaudi souvent, rencontré quelquefois ; j’ai même eu le plaisir de jouer avec lui, à l’un de ses concerts au Nouveau-Théâtre où tout Paris s’écrasait, ce délicieux Bal de Béatrice d’Este qui pourrait bien être le chef-d’oeuvre de Reynaldo Hahn ; mais enfin nous ne sommes pas liés. Ce que je puis dire c’est que son Art et sa personne m’ont toujours été sympathiques et que, si cette sympathie pouvait être renforcée, ce serait par la lecture du programme d’un de ses récents Récitals. C’est peu de chose, l’introduction d’un petit morceau de Théodore Dubois dans un programme de virtuose ; encore fallait-il y penser…

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Souvenirs d’un Flûtiste – 4. Les Classes d’Harmonie et de Solfège

Je suis entré dans la vie artistique à l’époque de la littérature symboliste, des bandeaux de la Vierge, des cabarets de Montmartre, de la Reine-bicyclette et du hideux Art Nouveau.
Bien que la pornographie n’ait pas atteint encore les profondeurs de l’après-guerre, ce n’était pas une époque pudibonde ; mais les Administrations publiques et l’Université gardaient un reste de préventions contre le mélange des sexes…

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Souvenirs d’un Flûtiste – 5. Les Pianistes

Répartis en dix classes, cinq préparatoires et cinq supérieures, cent jeunes forçats des deux sexes broyaient l’ivoire sous la férule de Maîtres d’âges et de mérites divers. Déjà, parmi les élèves, l’élément féminin dominait, mais trois dames seulement avaient l’honneur de professer dans l’établissement. Encore ne leur avait on confié que des classes dites « de clavier »…

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Souvenirs d’un Flûtiste – 6. Les Cordes – Trois Inséparables

Un petit homme fluet, serré dans un mince pardessus de demi-saison, sous lequel il devait geler, lorsque la bise glaciale de février s’engouffrait sous le porche, la figure fine et un peu banale d’un peintre en porcelaine ou d’un modeleur de statuettes, avait charge des jeunes violonistes d’une classe préparatoire. Il s’appelait Desjardins. Pendant quelques années il eut comme collègue le grand, l’admirable violoniste Maurice Hayot, un des vrais Maîtres français du violon, qui n’a pas su, ou n’a pas voulu, ou n’a pas pu prendre la place qui lui revenait dans la hiérarchie des virtuoses, c’est-à-dire une des premières…

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Souvenirs d’un Flûtiste – 7. Le Chant – Comédiante Tragédiante

Parmi les nombreuses calomnies déversées sur notre glorieuse Ecole Nationale, la plus noire et la plus tenace est bien celle qui représente l’école du chant au Conservatoire comme inexistant. Les hommes sont bien méchants. Ils l’étaient en 1895 ; ils le sont encore et il le seront toujours . Certes toutes les grandes Etoiles ne sont pas sorties du Conservatoires et les plus illustres parmi les chanteurs ont appris leur métier ailleurs. Mais si vous ouvrez un vieux palmarès ou, mieux encore, l’indispensable et monumental « Constant-Pierre », vous y constaterez que la plupart des fonctionnaires qui ornent le plateau de nos deux grands subventionnés, sortent de notre Ecole Nationale…

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Souvenirs d’un Flûtiste – 8. Quelques Isolés

Je n’ai pas connu Benjamin Godard. Sa mort prématurée a coïncidé avec mon arrivée à Paris. Mais je le vois tous les jours. Il habite à deux pas de chez moi, square Lamartine. Le buste juché sur un haut piédestal, il tourne le dos au Lyrisme personnifié par le poète des Méditations et semble lui dire : « Non, nous n’avons rien de commun »…

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Les Sept Plaies de la Musique – 1. Le Billet à Prix Réduit

Ma première expérience du système des billets à droits remonte à quelque trente ans. C’était alors une nouveauté. Au cours de l’été torride de 1895, d’aimables voisins me confièrent obligeamment qu’ils pouvaient se procurer des billets de faveur pour le Théâtre du Château d’Eau et me prièrent de me joindre à eux. C’était le moment où une vague de charité féminine déferlait sur Paris. Tous les matins, dans Le Journal, Séverine vidait ses glandes lacrymales, qu’elle a fort développées, sur une nouvelle infortune ; et tous les après-midi, une étoile de beuglant, Eugénie Buffet, chantait dans les cours au profit des pauvres. Elle faisait cela comme l’oiseau respire, son genre de talent ayant trouvé là son véritable cadre…

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Les Sept Plaies de la Musique – 2. Conte de Noël

…Qui donc disait que nous n‘avons plus d’hiver ? Durant quinze jours Paris est resté sous la neige. A l’aigre bise qui vous coupait le visage a succédé la pluie et la tempête. Ce fut l’hiver, le vrai hiver des cartes postales illustrées et des almanachs, l’hiver traditionnel que nos enfants ne connaissaient pas. On gela partout. le chauffage central devint capricieux. Il marche encore dans les ministères, il va moins bien dans les écoles de l’Etat. Il s’est notamment arrêté dans les étages supérieurs de certain grand établissement. Les élèves tiennent bon : ils ont la ressource de rester chez eux. Les professeurs s’entêtent à faire leur classe et l’un d’eux y a gagné une bonne pleurésie dont il est mort en huit jours. Il faut bien faire de la place aux jeunes…

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Les Sept Plaies de la Musique – 3. Le Récital

J’écris ces lignes sous l’oeil réprobateur de ma fille « Papa ! » m’a-t-elle dit, écarlate d’indignation « Tu ne vas pas écrire que le Récital est une plaie !… » Elle est jeune ; elle travaille le piano ; je l’ai emmenée récemment entendre Risler ; elle en est revenue éblouie. De plus, elle a entendu dire qu’en Scandinavie, les artistes qui venaient de donner un Récital étaient reconduits jusqu’à leur hôtel par d’enthousiastes auditeurs qui les obligent à paraître au balcon…

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Les Sept Plaies de la Musique – 4. L’Affichage

Il s’en est fallu de peu qu’un affreux accident vînt, ce matin même, ensanglanter le paisible quartier de Passy, et jeter la consternation dans les milieux artistiques. J’en parle avec d’autant plus d’émoi que la victime présumée n’était autre que moi-même. La chose s’est passée rue de la Pompe, à l’angle de la rue Nicolo. Perdu dans la contemplation d’une palissade bariolée, je traversais de biais cette voie mouvementée lorsque je sentis sur mes reins la caresse (je dis la caresse, car il n’y avait pas eu choc) du capot d’une limousine. Le chauffeur avait pu freiner à temps…

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Les Sept Plaies de la Musique – 5. Les Parasites

Mes plus anciens souvenirs de théâtre remontent aux environs de l’année 1886. Nous habitions, ma mère et moi, une laide petite ville de l’Ile de France. Mon oncle et sa famille s’enorgueillissaient de vivre dans la Ville Lumière. A cette époque, la mode n’était pas venue d’échanger, au temps des vacances, un petit garçon français contre un boy britannique, mais nous pratiquions ce système en famille. Mes cousins manquaient d’air ; je manquais de distractions. Ils passaient donc leurs vacances sur les bords de l’Oise, cependant que je venais me rafraîchir les poumons sur les berges du quai d’Austerlitz…

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Les Sept Plaies de la Musique – 6. La Musique à Toutes les Sauces

L’enveloppe armoriée que me remit, au sortir du Casino, un grand diable de valet galonné, contenait ces simples lignes :

« So sorry to have missed your Recital. Come and have a rest with us. It will be delightful ! The motor is waiting for you at the door. »
Pour les personnes qu’un long séjour sur la Côte d’Azur n’a pas familiarisées avec la langue du pays, je traduirais ainsi cette aimable missive, que je reconnus tout de suite comme émanant de ma vieille amie, cette bonne toquée de Lady Smithsfield :
« Désolée d’avoir manqué votre Récital. Venez vous reposer à la maison. Ce sera délicieux ! L’auto vous attend à la porte.»…

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Les Sept Plaies de la Musique – 7. La Musique à l’Oeil

Mes débuts dans la carrière artistico-mondaine remontent aux environs de 1899 et l’homme éminent qui m’en a ouvert l’accès n’est autre que mon vieil ami Le Dard, concierge du Conservatoire, ami et soutien des jeunes artistes, philanthrope né et « homme de bonne humeur », ce qui est rare chez les philanthropes.
Un matin de printemps, comme je me disposais à gagner la classe Taffanel, l’excellent homme me tendit sa main cordiale et m’apprit triomphalement « qu’il avait une bonne affaire pour moi »…

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